Le gérant du BE Enertech, Thierry Rieser, a activement participé aux travaux techniques préparatoires de la RE2020. À l’heure où se tient une phase de concertation sur la future réglementation, il nous livre sa crainte de voir émerger un statu quo sur la ventilation.
La RT2012 est décriée pour l’importance du décalage entre la consommation issue de son moteur de calcul et celle réelle. Quelle correction essentielle doit apporter selon vous la RE2020 pour mieux coller à la réalité ?
Il y a consensus pour dire que les 19°C aujourd’hui utilisés pour calculer les besoins de chauffage ne reflètent nullement la réalité et qu’ils doivent être rehaussés. Reste sur ce point à savoir jusqu’où : certains disent 20°, d’autres 22°C. Mais il y a également une véritable révolution à mener du côté de la prise en compte de la ventilation. La RE2020 doit permettre de revoir le scénario d’occupation des logements afin de lever la distorsion de concurrence entre la ventilation hygro et les autres. En effet la RT envisage qu’aucun logement n’est occupé la journée comme s’il n’y avait ni chômeurs, ni retraités en France, ou des personnes travaillant chez eux. Or, les avis techniques des produits de ventilation sont construits sur ce scénario. Ainsi, une ventilation hygro est considérée comme fonctionnant à un débit très faible jusqu’à 8 heures par jour. Alors qu’en réalité, les relevés de nos mesures sur site montrent que la variation de débit journalière est quasi-nulle.
Quand on sait que la promesse d’une hygro B est de réduire jusqu’à 50% un poste ventilation qui pèse 20 kWh/m²/an de besoins de chauffage : l’enjeu est loin d’être négligeable.
Est-ce que cela peut expliquer le fait que la VMC double flux, qui progresse dans tous les pays voisins, semble ne pas arriver à se faire une place chez nous ?
Une VMC double flux autoréglable a un débit constant toute la journée. Alors , vous avez d’un côté un système pas cher, la ventilation hygro, qui bénéficie d’un abaissement de 50% de sa conso (dans le moteur de calcul) et de l’autre, la VMC double flux, un système nettement plus cher, qui nécessite plus de maintenance et qui permet de réaliser 70% d’économies (dans la réalité) grâce à son échangeur… Les jeux sont faits : le moteur de calcul réduit tellement l’écart de gain entre les deux systèmes que cela décourage les concepteurs d’aller vers la double flux. Il faut donc remettre à plat les choses pour que le duel soit équitable. Et ce, d’autant plus que le matériel des VMC double flux est monté en gamme, moins bruyant, plus étanche à l’air et nettement plus facile à intégrer. Les industriels ont fait en sorte de corriger ce qui a pu générer des contre-références par le passé.
N’est-il également pas temps d’introduire la notion de qualité d’air intérieur ?
Une chose est sûre, il est absurde de poursuivre une stratégie de réduction des débits à tout prix sans y associer une approche sur la qualité d’air intérieur. Il est temps d’arrêter de se reposer sur l’arrêté de 1982 qui commence à sentir la poussière. Ce denier se focalise sur l’objectif d’une concentration en CO2 inférieur à 1300 ppm alors que la pollution de l’air intérieur ne se limite pas à la présence humaine et, même quand il n’y a personne dans un logement, le mobilier continue d’émettre des polluants. Il serait dommage d’introduire la notion de carbone dans la RE2020 et de continuer à ignorer celle de la qualité d’air qui constitue un enjeu majeur de santé publique. J’attends du courage politique pour une RE2020 qui ait de l’ambition !
Lien vers l’article publié sur Génie Climatique Magazine