Car venons-en à lui. En quoi constitue-t-il une rupture et une avancée probablement majeure ?
Les principaux objectifs de notre cahier des charges étaient :
– de vouloir respecter les contraintes liées au changement climatique et émettre très peu de gaz à effet de serre pendant la durée de vie du bâtiment,
– de s’inscrire d’ores et déjà dans une transition énergétique qui permettra d’esquiver en douceur la fin des stocks d’énergie traditionnelle. A cette fin, notre bâtiment devra être à énergie positive, c’est à dire que, tous usages confondus, il devra produire plus d’énergie qu’il n’en consommera,
– de consommer très peu d’énergie grise, cette énergie nécessaire à la fabrication des matériaux,
– d’être très confortable en hiver, et peut-être surtout en été afin d’éviter les épisodes caniculaires à l’intérieur,
– d’utiliser le plus possible de matériaux respectueux de l’environnement n’impliquant ni des prélèvements surabondants de matière première, ni une pollution des sites d’extraction, ni des procédés de fabrication très énergivores, etc.
Et puis, on s’est dit qu’on pouvait aller encore un peu plus loin : faire un bâtiment sans installation de chauffage, capable de passer les hivers uniquement à partir des apports de chaleur internes et du rayonnement solaire. C’est là un gros défi et c’est peut-être le début d’une révolution dans la construction.
Enfin, nous voulions démontrer encore deux choses : on peut, et on doit pouvoir faire un bâtiment de ce type avec des techniques très simples (ce qu’on appelle pompeusement le low tech), et à un coût très bas.
Dernière petite contrainte : réalisant que d’une part la paille est essentiellement un déchet en France (une petite part est réintégrée dans les sols), que d’autre part son contenu énergétique est infime (un peu d’essence pour le tracteur et le transport) et surtout qu’elle n’est pas émettrice de gaz à effet de serre mais au contraire capable de stocker le carbone, la décision fut prise que ce bâtiment d’un nouveau type serait aussi en paille. Nous avons déjà construit un collège en paille en Ardèche, alors pourquoi pas nos bureaux ?
A ces impératifs nous avons rajouté une dernière contrainte liée aux territoires en voie de désertification : il faut que, si aucun entrepreneur ne se propose de racheter ce bâtiment de bureau un jour, on puisse le convertir en 6 logements spacieux. Sage précaution…
En tant que « boss », avec les dernières lignes de ce cahier des charges je venais de finir mon travail : cinq ans pour être enfin à pied d’œuvre. Cinq ans pour essayer de s’inscrire durablement dans des territoires merveilleux mais qui souffrent d’abandon, cinq ans à se battre contre une incompréhension et une indifférence pratiquement généralisées, cinq ans pour essayer de convaincre qu’il faudrait plus de souplesse pour pouvoir transformer plus rapidement ces territoires et ces bâtiments qui ne pourront éternellement être figés dans une image du passé parfaitement incompatible avec les contraintes fortes que nous impose aujourd’hui le prolongement de la vie sur Terre.
Olivier SIDLER – Fondateur d’ENERTECH – Ancien gérant